[FT] (30 Morts... ou presque!) Sous les apparences (G)

Sous les Apparences

Autheur: Ja_aveccheveux

Résumé:

À la suite du Spectre: Convaincu d'avoir trahi la confiance du Capitaine, Flavien fera tout pour prouver à celui-ci qu'il est encore digne de confiance, quitte à s'épuiser à la tâche. Qu'arrivera-t-il lorsque le livreur de pizza viendra hanter le vaisseau?

 

30 Morts… ou presque!
19. Mort de fatigue

Defi duggien, juin 2021: Ambiance estivale (à partir de la 3e partie)

Notes:

Première partie de ce qui devait être un one shot... oups!


Partie 1

 

Tout le monde dormait, sauf bien sûr le Capitaine... le Capitaine, et exceptionnellement, Flavien aussi.  

 

Il se tournait et se retournait dans son lit.  Le spectre qu'il avait rencontré, il avait bien cru que c'était son père.  Il l'avait vraiment cru, à un tel point qu'il n'avait pas porté attention aux détails. Il y avait bien sûr la grandeur de son soulier qui ne correspondait pas à celui qu'il avait hérité en souvenir de ses parents.. mais au-delà de celui-ci, le spectre du Capitaine Fafard ne lui ressemblait pas du tout, même s'il avait essayé de se faire croire le contraire. Ni les yeux, ni la forme du visage, ni même les coudes n'étaient semblables entre les deux hommes. 

 

Flavien se sentait un peu idiot d'y avoir cru. Les chances qu'il trouve l'identité de son père étaient tellement minimes, particulièrement ici, à des milliers d'années lumière de la Terre.

 

/J'suis dont ben cave d'avoir pensé qu'il était mon père… j'le saurai jamais c'est qui, il a jamais voulu de moi. Même s'il était mort, il reviendrait jamais voir un fils aussi niaiseux que moi./

 

Flavien se retourna une fois de plus dans son lit. 

 

Il repensa à ses agissements pendant la visite du Capitaine Fafard. Il avait mal agit. Il avait posé des gestes indignes d'un membre d'équipage de la Fédération Planétaire… Pire, il avait trahi son Capitaine. Il avait trahi le Capitaine Patenaude, le plus grand homme qu'il ait jamais connu. Il était surpris que le Capitaine ne l'ait pas mis aux arrêts. Lorsque Flavien avait détourné le regard du Capitaine Fafard, celui-ci s'était évaporé en un gémissement de désespoir, et quand il avait finalement levé les yeux, délaissant la paire de souliers dans ses mains, le regard du technicien radar avait croisé celui du Capitaine Patenaude… Il le regardait avec… de la pitié? Ou bien cela avait-il été de la tristesse? Une marque que la trahison de son membre d'équipage avait laissé dans son regard et que Flavien n'arrivait pas à effacer de sa mémoire. 

 

Bien sûr que le Capitaine se sentait trahi! Flavien sentit la chaleur monter à ses joues. Il avait honte, tellement honte de ses agissements. Il avait désobéi, il avait donné le contrôle du vaisseau à un spectre malveillant et il avait failli faire échouer la mission en laissant le spectre ramener le vaisseau sur Terre, humiliant le Capitaine Patenaude par la même occasion. Tout ca, parce qu'il avait cette obsession de retrouver son père.

 

/Grandis donc un peu! Ça serait le temps que tu agisses enfin comme un homme./

 

Il eut un pincement au coeur. Comment pourrait-il prouver au Capitaine Patenaude qu'il regrettait vraiment ses décisions? Un vulgaire numéro 7, qui passe son temps à échouer, qui ne peut même pas obéir à des ordres simples?

 

Flavien savait qu'en temps qu'opérateur radar, il était utile… parfois. Mais en dehors des champs d'astéroïdes et autres obstacles célestes, que faisait-il vraiment? 

 

/Pas grand chose… j'suis vraiment inutile.../ 

 

Une pensée vint alors éclairer son esprit. Il allait devenir utile. Il allait se racheter au près du Capitaine Patenaude, même si cela lui coûtait tous ses efforts et tout son temps libre. Il allait donner tout ce qu'il avait pour regagner une petite place dans l'estime du Capitaine, ne serait-ce qu'une minuscule petite place.

 

Il tendit l'oreille: tous les autres dormaient profondément. Même Serge était sur la charge, Flavien pouvait distinguer les crépitements électroniques de son module de charge.

 

Il repoussa ses couvertures et descendit de son lit sans faire de bruit. Il ramassa son uniforme et ses chaussures, et sortit.

 

Il se dirigea vers la Salle des Machines à pas feutrés afin de ne pas alerter le Capitaine, et une fois arrivé, il se mit à la tâche.

 

***

 

Il était 5 heures du matin et Flavien était revenu dans son lit. Depuis déjà 3 semaines, c'était la même routine: Il se couchait en même temps que les autres, attendait que ceux-ci s'endorment profondément, puis sortait silencieusement de la Cabine de Repos et s'attelait à son horaire maintenant bien établi. Il faisait l'inspection des systèmes, puis révisait sa liste grandissante de réparations, d'entretient et de nettoyage du vaisseau. Ce n'était pas difficile de trouver quelque chose à faire, certains morceaux lâchaient à intervalles réguliers. Bizarrement, ceux-ci avaient souvent l'inscription SC, mais Flavien ignorait ce que cela signifiait.

 

Lorsqu'il avait fini pour la nuit, habituellement vers 4 heures et demi, il allait à la salle de bain se laver les mains et parfois passer un linge savonneux sur ses bras et son visage, puis il allait se coucher pour deux heures… Deux petites heures avant qu'il doive se lever pour son quart de travail régulier. 

 

La première journée n'avait pas été trop difficile. Les jours qui suivirent furent pénibles, le manque de sommeil le rattrapait. Puis, c'est comme si son corps s'était forgé une résistance au manque de sommeil et il ne ressentait plus aussi intensément l'appel de son lit. Il se félicita d'avoir persévéré.

 

Maintenant, il était dans un état constant d'alerte, mais toujours un peu embrouillé. Il n'avait plus aussi faim que d'habitude, mais il se forçait tout de même à manger un peu, ne serait-ce que pour avoir l'air normal.

 

Il savait que le Capitaine n'approuverait pas qu'il reste debout la nuit, mais lorsqu'il lui apportait le rapport de ses réparations quotidiennes, le sourire qui illuminait le visage du Capitaine valait les efforts que Flavien déployait.

 

-Votre rendement s'est amélioré Flavien, lui avait même dit le Capitaine.

 

Flavien rayonnait à chaque fois qu'il pensait à cette phrase, dite avec tant d'enthousiasme. Peut-être que le Capitaine lui pardonnerait sa traîtrise. Peut-être qu'il mériterait sa place sur ce vaisseau.

 

Flavien ferma les yeux. Deux heures pour dormir: il devait profiter de chaque minute.

 

***

 

Des voix réveillèrent Flavien. Habituellement, il devait se concentrer pour entendre ce qui se passait sur le vaisseau, mais depuis qu'il travaillait durant la nuit, c'est comme si son cerveau ne s'éteignait jamais.

 

Il tendit l'oreille. Cela sonnait comme la voix de Valence et celle du Capitaine. 

 

-Charles, Flavien m'inquiète.

 

Le technicien fronça les sourcils. Ils parlaient de lui?

 

-Comment ça? Son rendement est plus qu'exemplaire.

 

Flavien aurait timidement souri à cette éloge, si Valence n'avait pas continué.

 

-Il semble distrait depuis un bout de temps et j'ai remarqué qu'il ne mange pas beaucoup. Es-tu sûr que tu ne le surmène pas?

 

-Valence, il travaille son quart comme les autres. Je ne lui ai rien assigné de plus.

 

-Es-tu certain? Je ne le vois jamais quand les quarts sont terminés, il ne passe pas beaucoup de temps avec les autres.

 

-Je vérifierai avec lui, mais je suis certain. Il a toujours été efficace.

 

Flavien ignora le compliment du Capitaine et prit mentalement une note pour lui-même. Il devrait passer un peu plus de temps avec les autres membres d'équipage durant les prochains jours, afin que personne ne se doute de rien… peut-être une partie de dames contre Serge, et une partie de poches contre Bob…

 

Il regarda sa montre: 6h50. Ça ne valait pas la peine d'essayer de se rendormir. Il sortit sa liste de tâches de sous son oreiller et l'examina une minute. Qu'allait-il pouvoir couper? Le Capitaine s'attendait maintenant à son haut rendement. Comment allait-il poursuivre ses tâches?

 

Au pire, une heure de sommeil suffirait.

 

Il rangea sa liste à nouveau et attendit. 

 

Les lumières s'allumèrent automatiquement à sept heures. Il n'attendit pas que les grognements et les soupires d'agacement des autres membres d'équipage réveillés en sursaut cessent. Il sauta du lit et se prépara pour son quart.

 

-Flavien, j'sais pas comment tu fais pour être aussi matinal, grogna Bob d'une voix enrouée en se levant.

 

L'opérateur radar se retourna et lui lança un regard amical.

 

-J'étais déjà réveillé, Bob.

 

-En tous cas, Se mêla Brad dans la conversation, Ça doit être parce qu'un minable comme vous n'a pas besoin de beaucoup d'heures de sommeil pour fonctionner, contrairement à moi, qui ai un grand cerveau à faire fonctionner.

 

Bob fronça les sourcils.

 

-Minute…, Fit-il en pensant, Ça veut dire que si moi j'ai besoin de beaucoup de sommeil, que j'ai un grand cerveau moi aussi?

 

Brad fit un sourire mesquin.

 

-Non vous, vous dormez pas. Vous êtes dans un coma post digestion. C'est pas pareil.

 

Les yeux de Bob fixèrent le scientifique un instant.

 

-Euh… de kessé?

 

Brad eut un autre sourire hautain, puis quitta la pièce, sûrement pour aller déjeuner.

 

Bob se retourna vers son ami.

 

-J'comprends jamais c'qu'y dit…

 

Flavien lui sourit et lui donna une tape amicale dans le dos.

 

-C'pas grave mon Bob, c'est jamais ben beau c'qui sort de sa bouche.

 

Bob sourit à son tour.

 

-Ouin c'est vrai ça… heille, ça te tente tu une ptite partie de Ouija à soir?

 

Flavien recula d'un pas.

 

-Encore? On a eu pas mal de problèmes la dernière fois… j'suis pas sûr que-

 

-Envoye Flavien! L'interrompit le pilote, J'ai eu ma pizza gratis la dernière fois parce qu'il l'avait livrée en plus qu'une demie heure… mais j'aimerais jouer plus tôt cette fois, il m'a fait promettre de pu faire livrer après 11 heures!

 

-Bob, j'sais pas si…

 

-Ste plait Flav…

 

Devant les yeux piteux de son meilleur ami, Flavien se résigna à accepter. Il avait pas mal négligé son amitié avec Bob durant les dernières semaines, il lui devait bien ça.

 

-Ok Bob, mais juste le livreur de pizzas ok? J'veux pas d'autres ennuis.

 

Bob acquiesça avec enthousiasme et alla se préparer lui aussi pour son quart. Flavien alla le rejoindre à la Salle de Commandement 15 minutes plus tard, prêt à travailler.

 

***

 

La journée s'était bien passée, à un détail près. Flavien s'était aperçu qu'il était plus distrait à sa console de radar qu'à l'habitude. Il était un peu plus lent à presser les bonnes touches et à lire les données au Capitaine. Il espérait que celui-ci ne s'en était pas aperçu.

 

À la fin de son quart, le Capitaine vint se placer à côté de lui et attendit que les autres quittent la Salle de Commandement pour aller à la cuisine voir ce que Serge avait préparé pour souper (car oui, Serge aimait bien cuisiner pour l'équipage, et cela changeait drôlement des tartes aux patates de Valence).

 

Charles le regarda, inquiet. L'opérateur radar avait eu l'air distrait aujourd'hui, comme lui avait fait remarquer Valence. Il était possible qu'il ait simplement une mauvaise journée mais Charles tenait tout de même à s'assurer du bien être de son équipage. Dans le cas de Flavien particulièrement, car le jeune homme avait tendance à bafouiller ou à se refermer comme une huître à chaque fois qu'on tentait de lui parler de sentiments.

 

Une fois la pièce vidée, Charles l'approcha.

 

-Flavien, je voulais juste m'assurer que tout va bien, Commença le Capitaine.

 

Il mit une main sur l'épaule de son technicien radar, un geste qui avait tellement manqué à celui-ci. Est-ce que le Capitaine lui avait enfin pardonné?

 

-Ça va Capitaine, pourquoi?

 

Charles sembla hésiter mais il continua:

 

-Vous semblez avoir augmenté votre productivité de beaucoup, je voulais seulement m'assurer que vous ne travaillez pas trop…on ne vous voit plus tellement dernièrement, travaillez vous après votre quart?

 

Flavien se mordit le dedans de la joue: il ne voulait pas mentir… mais il ne voulait pas non plus décevoir le Capitaine.

 

-Je ne travaille pas les soirs, Capitaine, Finit-il par dire.

 

Il travaillait tôt les matins, de minuit à 5 heures, avant son quart techniquement…

 

Le Capitaine sourit. 

 

-Vous êtes vraiment productif, Dit-il avec un regard brillant, Je ne sais pas ce qu'on ferait sans vous! 

 

Un sourire timide illumina le visage du technicien radar. 

 


-Merci, Capitaine, Dit-il simplement.

 

-On devrait aller souper, Ajouta le Capitaine, Si on veut qu'il en reste!

 

Les deux hommes se dirigèrent vers la cuisine, rejoignant le reste du groupe pour le repas.

 

***

 

Valence avait observé Flavien discrètement durant toute l'heure du souper. Il avait sa bonne humeur et son sourire habituel. À l'oeil nu, il n'y avait pas de signe quelque chose clochait, mais aux yeux de la psychologue entraînée, il y avait quelque chose d'inhabituel.. quelque chose qui lui faisait penser qu'il y avait plus sous la surface de cette expression joyeuse. 

 

Flavien semblait toujours le même: Il  faisait des blagues avec Serge et Bob, vouait le même repect amical au Capitaine qu'à l'habitude et, quand il pensait que personne ne le regardait, il jetait des petits regards doux et timides à Pétrolia, qui venait de sortir de regénérescence. 

 

À sa grande surprise, il se prit une part de son pain baguette de viande (qui ne semblait pas intéresser personne d'autre, abandonné sur le comptoir) et lui fit un petit sourire.

 

Valence savait par contre que ses mouvements manquaient de précision. Il n'avait pas son adresse habituelle, il échappait ou cafouillait avec ses ustensils ou sa serviette de table et lorsqu'il marchait, ses pieds semblaient traîner sur le plancher.

 

La psychologue prit note de tout cela et se promit qu'elle approcherait Flavien dès le lendemain afin de cerner ce qui le dérangeait.

 

***

 

Après le souper, comme se l'était promis Flavien, il invita Serge à une petite partie de dames. Serge accepta avec enthousiasme. Flavien était le seul à bord qui puisse lui donner l'impression d'avoir un défi par sa capacité à anticiper et à réagir aux changements de stratégies de ses opposants. Aucun membre d'équipage ne pouvait battre l'opérateur radar et même avec Serge, cela finissait nul, plus souvent qu'autrement. 

 

Les deux s'installèrent dans la Salle de Repos, où ils sortirent une petite table et deux chaises. La planche fut vite placée et ils commencèrent. 

 

Les cinq premières parties finirent à égalité. Serge était particulièrement fébrile, il avait hâte de voir quels coups inattendus Flavien allait poser dans la sixième partie. Celui-ci paraissait concentré: Il ne parlait pas et fixait intensément la planche de jeu.

 

À la mi-partie, Serge réussit un coup de maître et récupéra six pièces de son adversaire. 

 

-Yes! S'écria-t-il, Qui sera le vainqueur? Flavien, ou Sergeeee l'androïdeeeee!!!

 

Il ajouta des effets sonores: Une foule en délire.

 

Flavien fronça les sourcils. Il n'avait pas vu le coup de Serge venir. Il ne comprenait pas comment il avait fait pour manquer cela, c'était tellement évident... mais il sourit et félicita l'androïde pour son coup.

 

La partie finit quand même par être nulle.

 

À la huitième partie, Serge s'aperçut que son opposant, la tête dans sa main, avait l'air de se concentrer anormalement longtemps: 18.3 secondes de plus qu'à l'habitude, en moyenne, depuis les 5 derniers coups. Pourtant, l'androïde et lui n'avaient que quelques pièces restantes.

 

Il baissa la tête afin de voir le visage de Flavien, et vit que ses yeux étaient mi-clos, papillotant et combattaient le sommeil. Serge soupira. Les humains étaient si fragiles parfois, et souvent têtus. Si Flavien était trop fatigué pour jouer, Serge préférait attendre la prochaine fois. Il n'y avait aucun mérite à jouer contre un adversaire qui n'avait pas toutes ses capacités mentales.

 

-Flavien...

 

-Hmm? 

 

L'opérateur radar leva le regard vers son ami.

 

-Si t'es trop fatigué, Dit l'androïde, on peut reprendre ça demain.

 

Les paroles du robot eurent l'air de réveiller soudainement le jeune homme.

 

-Hein? Non non!! J'suis pas fatigué!

 

Serge le regarda un instant. Il pouvait ajouter "orgueilleux" aux qualités humaines. Il décida de ne pas insister sur la fatigue de son ami, mais de lui donner une excuse pour s'arrêter.

 

-J'ai des choses à faire, de toutes façons, Ajouta l'androïde, On finit demain?

 

Flavien acquiesça à contre-cœur. Est-ce que le robot s'était aperçu qu'il manquait de sommeil? Il secoua la tête et se leva. Il devait peut-être aller chercher un petit café avant la partie de Ouija avec Bob, question de ne pas être trop distrait. Il n'aimait pas le café, mais il avait commencé à en boire récemment… Juste temporairement, s'était-il dit.

 

Il se dirigea vers la cuisine, où il croisa Bob, enthousiaste de commander sa pizza.

 

-T'es tu prêt Flav? Lui demanda le Pilote avec un grand sourire béat.

 

-Oui oui, laisse-moi 5 minutes pis jte rejoins. Prépare ça mon Bob.

 

Bob s'éloigna en lui rappelant que ça faisait déjà une heure au complet qu'il n'avait pas mangé: Il avait une faim de loup!

 

Flavien sourit pendant que son ami sortait de la cuisine.

 

Cinq minutes plus tard, comme promis, Flavien rejoint Bob pour leur séance de Ouija. Il avait avalé un café et demi en vitesse et était maintenant prêt.

 

-On commence? Demanda Bob, impatient.

 

-Let's go, Confirma Flavien.

 

Bob et Flavien tendirent leurs mains au-dessus de la planche et se concentrèrent, les yeux fermés.

 

-Livreur de pizzas, Commença Bob avec un air solennel, Amène-Nous une couple de larges all dress… extra T-Bone! 

 

Il réfléchit un instant, puis ajouta:

 

-Amène donc un ordre de wings pis un Coke… Diète, jsuis au régime là.

 

Flavien eut un sourire en coin mais ne dit rien. 

 

Ils se concentrèrent une minute de plus, puis Flavien entrouvit les yeux.

 

-Ça a tu marché tu penses? Demanda-t-il à son ami.

 

Bob ouvrit ses yeux à son tour.

 

-J'sais pas. La dernière fois yé venu même s'il avait dit qu'il viendrait pas…

 

Flavien se leva et s'étira.

 

-Bon ben, on va attendre pis on verra bien.

 

-Mouins…

 

Bob se leva à son tour. Il se dit qu'il aurait mieux fait de commander plus tôt. Il avait la mauvaise impression qu'il n'aurait son ordre que bien plus tard… ce qui était bien dommage, car il avait vraiment faim.

 

Il alla pour proposer à Flavien d'aller se chercher une couple de poulets rôtis à la cuisine, mais lorsqu'il ouvrit la bouche pour parler, il s'aperçut que son ami était appuyé sur l'échelle de son lit, vacillant légèrement. Sa tête était baissée et ses yeux étaient clos.

 

-Flavien… Flavien, dors-tu?

 

L'opérateur radar ouvrit les yeux et leva la tête lentement.

 

-Hein?

 

-T'avais les yeux fermés… dormais-tu?

 

Flavien réfléchit une seconde, cherchant une excuse.

 

-Je me concentrais, finit-il par dire, J'pensais que j'avais entendu un bruit.

 

Il espérait que son ami allait le croire. En fait, il s'était presque endormi debout. Il allait devoir faire plus attention, ou Valence allait finir par le pogner. 

 

-T'as entendu le livreur de pizza? S'enquérit Bob.

 

-C'tait pas lui…

 

-Oh…

 

Bob avait l'air déçu mais il haussa les épaules. Ça viendrait.

 

-On va tu voir à la cuisine en attendant?

 

***

 

La soirée avait passé et les deux amis n'avaient eu aucune nouvelle du livreur de pizza. Une fois les lumières fermées pour la nuit, Flavien fit semblant de dormir comme à son habitude, attendit que tout le monde soit assoupi puis se leva.

 

Il tendit l'oreille. Après une dizaines de secondes, il déduit que, par le bruit de crayon sur du papier, le Capitaine remplissait son journal de bord. Le champs  était libre pour aller dans la Salle des Machines. Il empoigna ses souliers et s'éclipsa sans bruit.

 

***

 

Plusieurs heures passèrent et Flavien achevait de nettoyer le conduit d'alimentation du moteur auxiliaire. Il avait passé la nuit là-dessus et devait se dépêcher de tout remettre en place avant d'aller se coucher. Il tombait de fatigue et se concentrer sur sa tâche devenait de plus en plus difficile. S'il pouvait se rendre à sa petite heure de sommeil...

 

Il finissait de remettre le dernier écrou, lorsqu'un bruit étrange lui fit lever les yeux.

 

Il tendit l'oreille et se mit en mode d'écoute.

 

Le bruit étrange revint… c'était comme des pas, mais cela ne sonnait pas comme la démarche d'aucun des membres d'équipage, qu'il connaissait par cœur. Il y avait aussi un grincement, comme des roues mal huilées qui roulent, mal alignées.

 

Flavien se mit debout et avança d'un pas.

 

La porte s'ouvrit, puis se ferma toute seule. Puis ses outils se mirent à voler autour de lui, dansant et flottant n'importe où.

 

-P...pas encore, Bégaya le jeune homme.

 

Le Capitaine Fafard était-il revenu?

 

Il recula jusqu'en arrière du moteur auxiliaire et fixa les objets qui ne cessaient de voler.

 

-Cap… Capitaine Fa-fa-fa-fard? Bégaya-t-il.

 

/Quessé j'vas faire, j'ai ben trop la chienne!/

 

Il se demanda s'il devait déclencher l'alarme, mais une voix se fit entendre.

 

-Je suis le livreur de pizza, Fit une voix un peu trop sinistre au goût de Flavien, Je remplace Tonio… Je m'appelle Livio.

 

-A...Ah? Répondit l'opérateur radar, peu rassuré.

 

-Vous avez commandé… une couple de larges extra T-Bone, des wings et un Coke diète?

 

-Oui…

 

-Ça va faire 98,50 $.

 

Flavien osa contourner le moteur auxiliaire et aperçut le livreur, blême et presque gris. Il était plus grand que Tonio mais portait le même manteau avec le logo de la pizzeria. Il était musclé, presque barraqué, avec des cheveux de surfer, des sourcils épais et une mâchoire carrée. Derrière lui se trouvait une charrette qui contenait toutes les boîtes de pizzas et les divers paquets enveloppés de papier brun. Une grosse bouteille de Coke diète était déposée à l'arrière.

 

Flavien fouilla dans ses poches et trouva quelques billets, mais pas suffisamment pour payer.

 

-P… prenez-vous la carte? Demanda-t-il d'une voix tremblotante.

 

Le spectre fronça ses grands sourcils.

 

-On utilise pas le débit ou crédit loin comme ça dans l'espace: La connexion ne se fait pas. 

 

Le technicien radar fit un sourire gêné.

 

-Euh… c'parce qu'on utilise pas vraiment du cash dans l'vaisseau…

 

Livio prit un air furieux. Il n'était pas question qu'il s'en aille sans son argent.

 

-Vous voulez me dire que j'ai fait tout ce chemin là pis vous pouvez même pas me payer?? S'écria-t-il, s'avançant d'un pas menaçant.

 

-Euh… b-ben c-c'est parce que… euh...

 

Flavien bégayait, ne sachant pas trop quoi répondre.

 

Le spectre s'approcha de lui, à quelques centimètres de son visage.

 

-Eh bien soit! Je vais rester ici jusqu'à ce que je sois payé… pis même, j'pense que j'vais même m'installer sur ce vaisseau quelque temps, j'en ai assez de travailler comme livreur! On se fait pas assez payer pour avoir à gérer tous ces clients difficiles.

 

Il prit une grande inspiration et regarda autour de lui, inspectant la pièce.

 

-J'ai besoin de vacances et ce vaisseau m'a l'air parfait pour avoir la paix, ajouta-t-il avec un petit sourire.

 

-Hein? V-v-vous y pensez pas? Le Capitaine voudra jamais!

 

Le spectre leva un sourcil.

 

-Je me fiche du Capitaine. Je reste ici.

 

Flavien réfléchit un instant. Ils avaient réussi à se débarrasser du Capitaine Fafard en ignorant sa présence. Peut-être que s'il faisait la même chose avec Livio?

 

-Bon ben j'ai fini de travailler, dit le jeune homme en s'étirant, ma aller me coucher moi là!

 

Il regarda vers la porte puis ignora le spectre en ramassant ses outils d'un air nonchalant. Il espérait que Livio n'allait pas lui casser la figure, il était un peu trop imposant à son goût. Il évita de poser ses yeux sur le livreur, espérant que ça fonctionne.

 

Malheureusement, Livio éclata de rire.

 

-Ça ne fonctionne pas avec moi, ricana-t-il sinistrement.

 

Flavien se sentit devenir blême. Il continua tout de même à ignorer le spectre.

 

-Je suis un spectre sans denier devoir à accomplir, expliqua Livio avec certitude, Les vivants n'ont aucun pouvoir sur moi…

 

L'opérateur radar serra les dents. 

 

/Quessé j'vas dire au Capitaine moi?/

 

À suivre.

Partie 2

 

Flavien fit quelques pas prudents vers la sortie et regarda encore le spectre.

-R-restez là… pis euh... tenez-vous tranquille…

Il recula et sortit par la porte coulissante. Une fois celle-ci close, Flavien prit ses jambes à son cou et détalla à travers les couloirs sombres du Romano Fafard.

Il arriva haletant à la cabine du Capitaine. Il allait pour cogner (la porte étant verrouillée), quand il entendit un rire féminin.

/Valence est dont ben levée de bonne heure.../

Il secoua la tête. Ce n'était pas important. Il frappa rapidement à la porte, et entendit des expressions surprises de l'autre côté de la paroi.

Il y eut un bruissement d'objets déplacés en vitesse, puis:

-Euh…, Fit la voix grave du Capitaine, Qui est-ce?

-Capitaine, c'est moi Flavien. Vite ouvrez, on est dans l'trouble!

Il attendit quelques secondes, pendant lesquels il y avait d'autres bruissements précipités, puis le Capitaine ouvrit la porte. Ses vêtements semblaient un peu désordonnés et Valence, qui se tenait derrière lui, ne semblait pas avoir eu le temps de faire une de ses coiffures élaborées habituelles.

Flavien n'accorda aucune importance à ces détails, il y avait plus urgent.

-Capitaine, il y a un autre spectre a bord, je l'ai vu dans la Salle des Machines.

Charles prit un air grave.

-Un autre spectre? Comment s'est-il rendu sur le vaisseau?

Flavien hésita, mais il devait dire la vérité au Capitaine.

-Ben… Bob pis moi on voulait se faire venir de la pizza… pis…

Il baissa les yeux. Il savait que le Capitaine serait furieux, mais il osa tout de même continuer.

-Le spectre a décidé que ça lui tentait pu de travailler, il m'a dit qu'il allait s'installer sur le vaisseau pour prendre des vacances… pis j'ai essayé de l'ignorer pour qu'il s'en aille, mais ça fonctionne pas sur lui!

Le Capitaine prit une inspiration bruyante, mais avant qu'il n'ait pu dire quoi que ce soit, Valence s'avança.

-Charles, pogne pas les nerfs. On a pas eu de problèmes la dernière fois avec Tonio…

Le Capitaine se retourna vers elle.

-Oui, mais j'avais dit aux gars d'arrêter de se servir la planche de Ouija. On sait jamais…

-Il est peut-être pas dangereux. Il veut prendre des vacances, ouan pis?

-Valence, c'est un spectre! On connait pas ses intentions. Pis le Romano Fafard, c'est un vaisseau spatial de la Fédération Planétaire, pas un Bed and Breakfast!!

-J'sais ben Charles mais…

-Mais rien, je ne veux pas de spectre à bord.

Il se retourna.

-Flavien…

Il s'arrêta net: Son opérateur radar était accoté sur la cadre de porte, les yeux fermés.

-Flavien, reprit-il en le secouant légèrement, Ça va?

Le jeune homme ouvrit aussitôt les yeux.

-Han?! Oui oui!

Valence lui jeta un regard inquiet, mais le Capitaine reprit rapidement la parole.

-Allez réveiller les autres et rejoignez-moi à la Salle de Commandement.

Flavien se mis au garde à vous avec un "Oui Capitaine!" et s'éloigna rapidement.

Charles se retourna vers Valence.

-On va encore devoir négocier avec un de ces maudits fantômes.

Il se s'approcha de sa bien-aimée et lui posa une main affectueuse sur son bras.

-Charles, fit-elle avec un petit sourire, On va trouver un moyen de le faire partir, t'en fais pas.

Charles soupira mais lui rendit son sourire.

-J'en suis certain, surtout si tu es là pour nous aider à négocier avec lui. As-tu encore toutes tes notes sur le phénomène des spectres à portée de main?

-Oui, je vais aller les chercher.

Charles hocha la tête.

-Bien, on se rencontre tous dans la Salle de Commandement dans cinq minutes.

***

Une fois tous réunis dans la Salle de Commandement, le Capitaine se leva de son fauteuil avec un air sérieux. Tous se mirent au garde à vous, attendant les ordres de leur supérieur.

-Équipage du Romano Fafard, commença-t-il, L'heure est grave… Nous sommes une fois de plus aux prises avec un spectre.

Il lança un regard glacial au pilote et à l'opérateur radar, qui déglutirent avec nervosité.

-Nous ne savons par contre pas ses intentions, Poursuivit-il, Il se peut qu'il ne soit pas hostile.

-Pas hostile, L'interrompit Brad d'une voix sarcastique, Ben oui, un spectre amical, ça s'peut ça!

Bob regarda le scientifique d'un air méprisant.

-Tonio était pas hostile lui! Lança-t-il.

Brad fit une grimace.

-C'est pas Tonio lui, c'est peut-être un spectre qui veut venir chercher nos âmes pis les amener en enfer… pis c'est toute de votre faute!!

-Comment qu'on pouvait savoir qu'il enverrait un remplaçant?

Le Capitaine leva une main.

-Suffit!!

Les deux hommes se remirent au garde à vous.

-Flavien m'a confirmé que le spectre a décidé de prendre des vacances sur le Romano Fafard. Il faudrait s'assurer qu'il n'a pas d'autres motifs.

Il se retourna vers l'opérateur radar.

-Flavien, vous m'avez dit qu'il était dans la Salle des Machines?

-Oui Capitaine.

-Prenez Bob et Zerge avec vous. Allez le chercher et tâchez de le ramener ici pour l'interroger.

Les trois hommes firent un salut, puis s'éloignèrent vers les portes coulissantes.

-Quessé qu'on fait si y veut pas venir? Demanda Bob en traversant vers le couloir.

-On trouvera une façon, Répondit Serge juste avant que les portes ne soient closes.

Charles se retourna vers les autres.

-Pétrolia, j'aimerais que vous et Brad verrouillez tous les systèmes informatiques à bord, en commençant par l'ordinateur central. Quand à vous Valence, je voudrais que vous révisiez les notes à propos des spectres. S'il est hostile et qu'on ne peut pas l'ignorer pour le faire partir, il faudra trouver un autre moyen.

Il y eut un "Oui Capitaine" collectif et tous se mirent à la tâche.

***

Serge s'avança le premier dans la Salle des Machines. Il avait un fusil à la main, même s'il savait que c'était probablement inutile contre Livio. Cela n'avait eu aucun effet contre le Capitaine Fafard, mais le livreur de pizza avait dit qu'il n'était pas comme celui-ci. S'il y avait une toute petite chance que cela fonctionne, ils allaient la prendre.

De toutes façons, ils n'avaient pas d'autres options pour se protéger.

Flavien suivit le robot, puis Bob.

Le pilote se sentait coupable. Cela avait été son idée de faire venir la pizza. Il n'avait jamais pensé que Tonio ne serait pas disponible et qu'un autre spectre serait venu à sa place.

Flavien aussi se sentait coupable: Il avait encore déçu le Capitaine. Ne faisait-il jamais rien de bon?

Lorsqu'ils furent tous entrés, ils scrutèrent la Salle des Machines des yeux. Rien d'anormal au premier regard.

Il y eut un petit cri de joie et Serge et Flavien se retournèrent vers la source de ce bruit.

Bob était penché au-dessus du chariot rempli de boîtes et d'emballages en papier brun.

-Mes pizzas!!

-C'est donc vous qui me devez 98,50$, Fit une voix sortant de l'ombre.

Livio sortit de derrière l'un des réacteur, un air insolent sur son visage. Il paraissait calme, mais légèrement mécontent. Serge et Flavien pointèrent tous les deux leurs armes sur lui, prêts à défendre leur coéquipier. Celui-ci se redressa, faisant face au spectre.

-Ben euh…

Bob ne savait pas trop quoi dire. Flavien décida de défendre son ami. Après tout, ils avaient commandé à deux.

-E-en fait on a commandé tout les deux… euhm… pis le Capitaine aimerait vous parler.

Livio leva un sourcil, intéressé.

-Bien. Vu que je vais passer la prochaine semaine en vacance sur ce vaisseau, autant mieux rencontrer le chef. Je m'attends à passer des vacances mémorables et surtout, sans tracas.

Il fixa son regard sur l'opérateur radar.

-Il est où votre Capitaine?

-Euhm… par ici?

Flavien lui fit signe de le suivre, ce que le spectre fit sans broncher.

Serge et Bob fermèrent la marche.

-Ça a été plus facile que je ne le pensais, Souffla Serge au pilote.

Bob hocha la tête. Il n'était pas rassuré du tout mais il dût admettre que le spectre semblait beaucoup moins hostile que celui du Capitaine Fafard. En plus, il avait amené son ordre de pizza, qui malheureusement devrait attendre.

***

Pétrolia venait d'informer le Capitaine que tous les systèmes informatiques avaient été verrouillés, incluant ceux du poste de défense et celui du téléfax. Elle avait fait tout le travail, Brad étant trop paresseux pour l'aider (Ce n'était pas une grande surprise). Elle s'était assuré de mettre des codes de verrouillage différents pour chaque système, juste pour avoir une mesure de sécurité additionnelle. Elle savait que le Capitaine ne la trouvait pas particulièrement compétente avec ses inventions, mais lorsqu'il s'agissait de la sécurité et de l'informatique des systèmes, elle était plutôt douée, ayant été obligée d'apprendre pour maintenir les systèmes de sa station orbitale. Elle avait aussi dû implémenter certains dispositifs de sécurité additionnels à Serge, lorsqu'elle s'était aperçu que le Brad était très mal intentionné. Pas question de laisser son robot adoré à la merci du scientifique. Il aurait bien pu le reprogrammer, juste pour satisfaire ses plans malhonnêtes.

D'ailleurs, le scientifique était justement en train de marmonner pendant qu'il fouillait dans un livre intitulé "Comment se débarrasser que quelqu'un pour les nuls". Il feuilletait les pages, nerveux.

De l'autre côté de la pièce, Valence avait toujours le nez plongé dans ses notes, cherchant un quelconque indice sur la façon de se débarrasser de ce spectre. Elle passait les pages, une à une, le front plissé par la concentration. Elle espérait réellement pouvoir trouver une solution, car même si le spectre ne s'était pas montré hostile, du moins jusqu'à maintenant, elle ne pouvait pas prendre de chances. Ils avaient eu une très mauvaise expérience avec le Capitaine Fafard d'après ce que Charles lui avait raconté et elle n'était pas prête à répéter l'expérience sans être préparée.

Elle jeta un petit regard furtif au Capitaine. Il était profondément plongé dans ses pensées. Elle se repencha sur ses notes

Brad s'approcha soudainement du Capitaine.

-Moi j'pourrai pas rester dans la Salle de Commandement svp…

Il sortit un papier de sa poche et ajouta:

-J'suis allergique aux spectres, j'ai un papier du médecin.

Charles roula les yeux et soupira bruyamment.

-Brad, vous étiez pas allergique il y a trois semaines, j'pense pas que vous ayez réellement développé une allergie en si peu de temps.

Avant que celui-ci n'ait le temps de répondre, les portes coulissantes de la Salle de Commandement s'ouvrirent pour laisser passer Flavien, suivi du spectre du livreur de pizza et de Bob et Serge.

Le Capitaine se leva aussitôt. Les autres membres d'équipage se tirent tous debout, leur attention sur les deux figures devant eux.

Le regard de Pétrolia atterrit sur la forme musclée du spectre et il y eut un petit déclic dans son regard. Sa posture changea aussitôt et elle entortilla un de ses mèches bouclées autour de son doigt.

-Salut… Fit-elle d'une voix sensuelle, puis elle se mordit la lèvre.

Charles lui lança un regard indiquant "C'est pas le temps!" et elle reprit aussitôt son sérieux, sans toutefois lâcher la forme athlétique du spectre des yeux.

Le Capitaine prit un air diplomatique.

-Monsieur le livreur de pizza-

-Livio, L'interrompit le spectre.

-Livio, Se reprit-il, Je crois comprendre qu'il y ait eu un léger malentendu. Vous souhaitez qu'on vous paie l'ordre avec du cash, c'est bien cela? On peut s'arranger et-

Le spectre l'interrompit encore une fois.

-En fait, j'ai plutôt décidé de prendre des vacances, ici sur ce vaisseau.

Charles prit un air contrarié. Il fallait qu'il pense à une façon de lui faire changer d'idée.

-Mais, vous n'y pensez pas... c'est un vaisseau spatial ici, pas un club med!

Le Capitaine était rouge de colère. Pour qui se prenait-il, ce spectre? Il n'avait pas le temps pour ce genre de bêtises, il avait une mission importante à mener à terme.

Livio ne broncha pas.

-Un club med, Dit-il avec un sourire dans sa voix, Tiens, ça serait une idée ça...

Bob se pencha vers son meilleur ami et lui souffla à l'oreille.

-Il va être tof pour négocier, hein?

Mais Flavien ne répondit pas. Tout tournait autour de lui, il se sentait faible, étourdi. Il prit appui sur la console à côté de lui et ne fit que hocher la tête pour répondre à son ami. Sa vision était floue, les sons étaient sourds, comme quand on se retrouve sous l'eau. Il secoua la tête, essayant de reprendre son contrôle sur la réalité.

Il perdit une partie de la conversation et lorsqu'il fut capable de discerner ce que le Capitaine disait, c'était pour ordonner discrètement à ses membres d'équipage de le suivre, en faisant un coup de tête qui indiquait le fond de la Salle de Commandement.

L'opérateur radar suivit le reste du groupe alors que le Capitaine parlait à voix basse.

-Donc, Disait-il, Puisqu'il ne veut pas s'en aller et qu'on a pas trouvé de moyen de le forcer à quitter le vaisseau, je veux quelqu'un qui le surveille vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Il se tourna vers le pilote.

-Bob, je veux que vous preniez le premier quart. Surveillez-le bien et avisez-moi du moindre geste suspect. Les autres, on aide Valence à trouver une solution.

Il réfléchit un instant et se tourna vers son technicien radar. Il prit son bras et le mena à part des autres

-Vous ne m'avez toujours pas dit que ce vous faisiez dans la Salle des Machines à cinq heures du matin, Chuchota-t-il, Y a-t-il quelque chose que je devrais savoir?

Flavien se sentit comme si le sol s'ouvrait sous ses pieds. Que pouvait-il dire au Capitaine?

-Euh...

Mais Brad l'interrompit.

-Capitaine! On devrait s'en aller de la Salle de Commandement! J'aime pas ça, moi, les spectres!!!

Ses dents claquaient autant que ses genoux. Il rongeait ses ongles de façon anxieuse, son regard rapide et furtif.

Le Capitaine regarda Flavien une fois de plus, inquiet. Il y avait quelque chose qui clochait, mais n'insista pas. Il y avait plus urgent.

-Bob, montez la garde, Ordonna-t-il en se dirigeant vers les portes coulissante, Tous les autres, à la Cabine de Repos.

Tout le monde emboîta le pas, sauf le pilote qui fit un garde à vous et se plaça en position à côté du téléfax.

***

Bob n'aimait pas être de garde, surtout pas pour garder un fantôme. Les spectres lui fichaient déjà la trouille d'avance, alors être seul avec l'un d'entre eux le terrifiait.

Bien sûr, c'était un livreur de pizza, donc cela rassurait un peu le pilote. Après tout, Tonio lui n'était pas tellement épeurant. Il lui avait même apporté de la sauce d'extra pour tremper sa pizza, donc il le trouvait plutôt sympathique.

Peut-être que Livio était sympathique lui aussi? Il travaillait tout de même avec Tonio...

Il s'approcha du spectre.

-Euhm... Monsieur le livreur?

Le spectre interrompit son inspection visuelle de la Salle de Commandement et se retourna vers lui.

-Appellez-moi Livio.

Cela parut mettre en confiance le pilote.

-Livio, Se reprit-il, Est-ce que j'peux savoir ce que vous nous voulez au juste? Le Romano Fafard, c'est pas vraiment une destination vacance... on travaille tout le temps.
Livio s'appuya sur le fauteuil du Capitaine et sourit. Il était vrai qu'il avait l'air sympathique, se dit le pilote. Il avait l'air plutôt cool avec son look de surfer.

-Je ne vous veux rien du tout, S'expliqua le livreur, En fait, je suis désolé de vous avoir fait peur. Je le sais bien, depuis que je suis mort, le monde me craint.

Il eut un air triste pour un moment, mais cela ne dura que quelques secondes.

-En fait, Reprit-il, J'aime bien ma job... j'aime tellement ça que j'ai décidé de continuer après ma mort. On rencontre des gens tellement gentils.

Il sourit au pilote.

-Par contre, je suis fatigué. Je n'ai pas pris de vacances depuis que je suis mort. On pourrait dire...que je suis mort... de fatigue!

Le spectre s'esclaffa de sa propre blague. Le pilote rit aussi de bon coeur. C'était une joke poche, mais Bob appréciait les jokes de mononcle.

-Qu'est-ce que vous compter faire sur le vaisseau, Demanda Bob.

Le livreur jeta un regard autour de lui, puis lui répondit.

-Je ne sais pas trop... en fait, j'aimerais bien en profiter pour siroter une couple de drinks sur le bord d'une piscine... avez-vous ça en stock?

Bob le regarda, incertain.

-Euh...

Mais Livio ne lui laissa pas le temps de répondre.

-J'suis certain qu'on peut s'arranger, Dit-il avec un sourire.

-C'parce que... J'suis pas sûr que le Capitaine va être d'accord. Il m'a demandé de monter la garde, vous savez?

Le spectre hocha la tête.

-J'ai remarqué, Dit-il en indiquant l'arme du pilote.

Bob se sentit soudain mal à l'aise. Il tenait une arme et gardait un livreur de pizza, alors que celui-ci semblait si gentil... mais le pilote se rappela qu'il ne faisait qu'obéir aux ordres du Capitaine. Et lui, il obéissait toujours aux ordres du Capitaine. Le Capitaine savait ce qu'il faisait, il pensait toujours à tout et menait son équipage à bon port. Il les avait toujours bien guidé, alors Bob obéissait, un point c'est tout.

Sans baisser sa garde, il considéra quand même Livio. Même si le spectre semblait aimable, il pouvait cacher ses intentions. Le pilote s'était déjà fait berner auparavant, bien trop de fois à son propre goût, se dit-il amèrement. Si ses amis l'avaient toujours défendu, il n'en restait pas moins que parfois, il s'était mis dans le pétrin quand il s'était retrouvé seul face à une personne mal intentionnée. Il pensa à Brad notamment, qui tentait toujours de le manipuler à chaque occasion... Non, il devait rester sur ses gardes, juste au cas... du moins, jusqu'à ce que le Capitaine lui donne l'ordre de cesser.

-Peut-être que si vous faites pas de trouble...

***

Après une bonne heure de recherches, tout le monde commençait à penser qu'il n'y avait aucun moyen de ce débarrasser de ce spectre. Allait-il hanter le Romano Fafard à jamais, en vacances perpétuelles? Et s'il essayait de prendre contrôle du vaisseau? Comment allaient-ils continuer la mission s'il décidait d'être hostile?

Charles essayait de se montrer rassurant pour son équipage. Après tout, c'était lui le leader, il devait montrer l'exemple et surtout, il devait garder le calme.

-Il ne s'est pas montré hostile jusqu'à maintenant, Disait-il, Juste un peu envahissant...

-Oui, Ajouta Pétrolia, Peut-être même qu'il pourrait être utile à la mission?

Elle n'osait pas l'admettre à voix haute, mais même en temps que spectre, elle trouvait Livio plutôt sexy. ll avait un corps de dieu et un visage à la Ricky Martin, son chanteur préféré... Il n'y avait que les espèces de toiles d'araignées sur lui, ainsi que sa pâleur qui auraient pu causer problème... mais il était tellement beau, elle pourrait bien passer par-dessus!

-Mais voyons, c'est un spectre, Pleurnicha Brad, C'est sûr qu'il veut juste nous voler nos âmes!! Il va toutes les bouffer, ou pire, les damner!!!

-Voyons Brad, Fit le robot, Calmez-vous, si vous voulez pas faire dans vos culottes.

-J'pense c'est déjà faite, Murmura la technicienne en regardant plus bas, un sourire sur ses lèvres.

Flavien lui, se tenait à l'écart, près de l'échelle de son lit. Il fixait Valence, la tête toujours plongée dans son cahier de notes, mais il ne la voyait pas. Tout tournait, tout était flou. Il vacillait légèrement. Il ne savait pas ce qu'il avait, mais sa tête ne lui permettait pas de réfléchir plus loin.

-Je pense que j'ai quelque chose, S'exclama Valence.

Tous se retournèrent vers elle.

-Ça dit ici, dit-elle en pointant dans son cahier, Qu'un spectre qui n'a pas de dernier devoir à accomplir peut par contre avoir un dernier désir à remplir.

-Ça veut dire quoi? S'enquit le Capitaine.

La psychologue leva la tête.

-Ça veut dire que si le spectre de Livio veut prendre des vacances, ben on lui fait passer les plus belles vacances qu'il ait jamais eu! Une fois qu'il aura eu ce qu'il voulait, il devrait s'en aller!!

Valence affichait un grand sourire. Ça serait peut-être plus facile que prévu!

-Vous êtes sûre?

La psychologue hocha la tête.

-Ben pas mal, c'est pas écrit ça noir sur blanc mais si on se fit au texte, ça dit que...

Elle s'interrompit et fixa quelque chose par-dessus l'épaule de Charles.

-Flavien? Reprit-elle avec une expression d'inquiétude, Ça va?

Mais comme elle allait se lever, le jeune homme vacilla dangereusement puis s'effondra de tout son long.

Tous se précipitèrent vers lui, à l'exception de Brad, qui recula.

-Il est peut-être possédé, s'écria-t-il en mettant les mains devant son visage.

Brad n'aimait pas cela du tout. Peut-être que le spectre voulait prendre l'opérateur radar comme hôte. Peut-être avait-il même déjà volé son âme. Il se mit à faire des petits gémissements apeurés il alla se cacher dans son lit, sous les couvertures.

Tous les autres l'ignorèrent. Serge retourna l'opérateur radar afin de vérifier s'il respirait encore. Il fit signe de la main de s'éloigner.

-Laissez-lui un peu de place pour respirer, Dit-il.

Valence, Pétrolia et Charles reculèrent d'un pas, mais leurs yeux ne quittèrent pas le visage du jeune technicien.

L'androïde l'examina rapidement, puis prit son poignet dans sa main pour quelques secondes.

Il regarda le Capitaine dans les yeux.

-Son pouls est faible, mais pas dangereusement. Il ne semble pas avoir d'autres symptômes, c'est comme s'il s'est simplement évanoui.

Charles fronça les sourcils. On ne s'évanouit pas simplement comme ça. Quelque chose n'allait pas chez Flavien, mais quoi?

Un gémissement le sortit de ses pensées. Les yeux du jeune opérateur radar semblèrent se crisper puis s'ouvrir avec quelques battement de paupières.

Il se redressa sur un coude.

-Qu'...est-ce qui s'est passé?

La psychologue s'agenouilla à côté de lui et mit sa main sur son épaule.

-Tu t'es évanoui… est-ce que ça va?

En fait, elle savait que quelque chose n'allait pas chez le jeune homme mais il était toujours préférable de laisser le patient décrire comment il se sentait.

Flavien fronça les sourcils. Évanoui? Il devait être plus fatigué qu'il ne le pensait.

Le Capitaine se pencha au-dessus de lui. Son regard céruléen rencontra les yeux sombre de l'opérateur radar.

-Flavien, Dit-il d'une voix pleine de compassion, Dites-moi… est-ce que c'est lié au fait que vous étiez dans la Salle des Machines au beau milieu de la nuit?

Il fit une pause. Peut-être Flavien s'était-il blessé, ou bien il avait respiré des émanations toxiques… il avait peut-être gaffé et il avait peur de lui dire… mais peu importe ce qui était arrivé, Charles préférait le savoir, plutôt que le voir s'effondrer par terre à nouveau.

-Dites-moi la vérité, Ajouta-t-il doucement.

Flavien baissa les yeux. Il était pris, il ne pouvait pas mentir au Capitaine, plus maintenant.

-Je.. euhm… je nettoyais le conduit d'alimentation du moteur auxiliaire.

Il osa lever les yeux un instant. Le Capitaine ne paraissait pas fâché, mais plutôt perplexe.

-À cinq heures du matin? Demanda-t-il, Mais pourquoi? Il y avait une fuite?

-Euh… non.

Le Capitaine fronça les sourcils.

Le jeune homme, lui, commençait à paniquer un peu intérieurement.

/Il va se fâcher s'il apprend que j'ai travaillé la nuit… Quessé j'dis? Quessé j'dis?!?/

Mais avant qu'aucun des deux ne puisse dire quoi que ce soit, la voix de Bob retentit dans la Cabine de repos.

-Capitaine, Livio aimerait savoir c'est quoi notre menu de drinks, Dit-il dans le haut-parleur, Quessé que j'fais? Y veut une réponse...

Charles allait pour répondre en approchant sa montre de sa bouche mais Valence fut plus vite que lui.

-Dis-lui qu'on va lui apporter le menu sous peu.

Elle fit un sourire au Capitaine, qui la dévisageait.

-Il faut lui faire passer les plus belles vacances qu'il ait jamais eu, Se justifia-t-elle.

Elle s'adressa au reste du groupe.

-On va transformer le vaisseau en club med pour la semaine. Je pense qu'on a tous besoin de vacances.

-Mais, dit le Capitaine, abasourdi, Vous n'y pensez pas? Et la mission?

-Charles, la prochaine galaxie est au moins à deux semaines de route. On a juste à mettre le vaisseau sur pilotage automatique pis prendre un peu de temps de repos. Ça fait des mois qu'on a pas pris de congé. Ça fera juste du bien au moral de l'équipage.

Charles considéra les paroles de la psychologue. Il était vrai qu'ils ne s'étaient pas arrêtés depuis longtemps. Lui-même, qui ne dormait jamais, n'avait pas eu beaucoup de temps pour se reposer. Il ne pouvait pas risquer que son équipage soit épuisé, pas ici, loin de tout, au beau milieu de l'univers.

Il hocha la tête et regarda ses subordonnés.

-Valence, vous Pétrolia et Brad, commencez les préparatifs. Livio veut des vacances, il va être servi!

Il se retourna vers le robot.

-Jerche, venez avec moi, nous allons amener Flavien au Centre de Santé. Je veux vérifier ce qui lui a causé cette faiblesse.

L'opérateur radar voulut protester mais un "Oui Capitaine" collectif l'en empêcha.

Charles fit signe au robot d'entraîner Flavien avec lui, et il les suivit en dehors de la Cabine de Repos. Il avait encore une conversation à terminer avec son technicien radar et cette fois, il n'allait pas se faire interrompre.

 

À suivre...

Notes:

Très centré sur Flavien et Charles... je m'assume.

Ceci fait aussi partie du défi de juin: Ambiance estivale.



Partie 3

Un androïde, ce n'était pas supposé pouvoir s'inquiéter. Mais quand Pétrolia avait bâti Serge, elle s'était assurée de penser à tout, même de lui installer plusieurs modules pour le rendre plus humain.

 

Serge était équipé d'un module d'émotions très performant, d'un détecteur d'émotions externes, ainsi que d'un module d'empathie très sensible.

 

Lorsque Serge avait été accepté à bord du Romano Fafard comme membre d'équipage, son module d'empathie avait étendu sa porté sur tout le reste de l'équipage, qu'il considérait maintenant comme sa famille.

 

C'était pour cette raison que lorsque l'un d'entres eux avait un dysfonctionnement, il avait l'impression qu'il allait faire une crise de transistors. C'était son module d'émotions qui générait cette anxiété. Évidement, puisqu'il était un robot, il arrivait à performer malgré les émotions qu'il ressentait, mais cela ne l'empêchait pas de se faire un sang d'encre.

 

Il assista Flavien à s'asseoir sur la table d'examen, même si celui-ci insistait qu'il allait bien. Il lui dit de s'allonger et lui fit passer un scanner. Il attendit patiemment que la feuille sorte de celui-ci.

 

-Le scanner n'indique rien de mal physiquement, Expliqua-t-il après avoir lu le rapport du scanner rapidement, Il n'y a que les ondes cérébrales qui semblent anormalement lentes.

 

Le Capitaine prit place à côté de son opérateur radar et posa une main sur son épaule.

 

-Flavien, j'aimerais que vous m'expliquiez ce que vous faisiez réellement dans la Salle des Machines à cinq heures du matin.

 

Le jeune homme s'assit, tête baissée. Il n'osait pas regarder le Capitaine. Il ne pouvait pas mentir, pas à lui.

 

-Je… je travaillais, Dit-il d'une voix à peine audible, Toutes les nuits, je travaillais...

 

Il prit une pause et avala difficilement.

 

-Je voulais juste prouver que je vous suis utile et que vous pouvez vous fier à moi.

 

Flavien osa regarder son supérieur, qui l'observait, sans mot.

 

Charles avait du mal à comprendre ce que le jeune homme voulait dire. Flavien pensait-il être inutile, avec tout ce qu'il faisait pour le vaisseau et la mission, même en dehors de ses tâches de technicien radar et des communications? Depuis la disparition de Falbo et Mirabella, il avait appris à manier les armes et le canon, à participer aux expéditions d'exploration sur les planètes potentielles, et il assistait aussi aux réparations et à la maintenance du vaisseau. Charles ne pouvait qu'être impressionné par sa débrouillardise malgré son jeune âge. Et que voulait-il dire à propos de sa fiabilité?

 

Charles savait que Flavien avait une faible estime de soi, il avait toujours eu de la difficulté à trouver sa place dans ce monde, même lorsqu'il la méritait amplement. Le Capitaine voulait tellement qu'il se voit de la même manière que lui-même le voyait: Un jeune homme bon, qui avait ses petites faiblesses, certes, mais qui demeurait juste et intègre.

 

D'une voix lente, il demanda:

 

-Je ne comprends pas, Dit-il, Pourquoi vouliez-vous prouver que vous êtes utile, et surtout, digne de confiance?

 

Flavien baissa les yeux à nouveau.

 

-Avec la façon que j'ai agi avec le Capitaine Fafard… j'sais que vous me ferez plus jamais confiance. Je vous ai désobéi et je lui ai donné le contrôle du vaisseau. Depuis que c'est arrivé… J'voulais juste… j'voulais juste pu que vous me regardiez comme un traître…

 

Il se tut, incapable de continuer.

 

Charles pressa ses lèvres et secoua la tête. Lui, le considérer comme un traître? Mais où avait-il été pêcher cette idée? Et il avait dit plus tôt un détail qui avait retenu son attention.

 

-Vous travaillez de nuit depuis qu'il est parti?

 

Le jeune technicien hocha la tête mais n'ajouta rien de plus. Il savait que le Capitaine devait être furieux.

 

Il y eut un autre silence. Charles ne savait pas quoi dire. Le jeune homme avait travaillé toutes les nuits depuis maintenant plus de trois semaines, le menant au bord de l'épuisement… et tout ça parce qu'il ne se croyait pas à la hauteur, parce qu'il pensait que son Capitaine le méprisait, juste pour avoir cru un instant qu'il avait enfin retrouvé son père.

 

Il avait envie d'être fâché, certes, mais contre ce père absent qui avait affecté son fils en l'abandonnant si lâchement. Contre le fait que la vie avait été si injuste envers Flavien, lui arrachant sa mère alors qu'il était encore si jeune. Contre le système pourri qui l'avait transporté de famille d'accueil en famille d'accueil sans jamais lui accorder l'amour et le soutient d'une véritable famille. Oui, il avait envie d'être fâché, mais il n'en fit rien, optant plutôt de rester calme et compréhensif.

 

-Flavien, Commença-t-il, Vous n'avez pas besoin de me prouver quoi que ce soit. Ce qui est arrivé avec le Capitaine Fafard, je comprends…

 

Le regard profond du jeune homme croisa le sien.

 

-Je sais que vous avez réellement cru que c'était votre père, Poursuivit-il avec compassion, Si j'avais été à votre place, j'aurais fait la même chose. Je veux que vous sachiez que vous n'avez pas à vous en faire, vous avez votre place sur ce vaisseau et sous mon commandement.

 

-Vous… vous êtes pas fâché?

 

Charles secoua la tête.

 

-Non… par contre, je veux que vous m'assuriez que vous ne vous ne vous surmènerez pas à nouveau de cette façon… et que si vous vous sentez inadéquat, vous viendrez plutôt m'en parler.

 

Flavien lui fit un petit sourire.

 

-Promis.

 

-Bien! Acquiesça le Capitaine en resserrant sa main sur l'épaule du jeune homme, Nous tenons tous à vous... Et je dois vous avouer que je suis plutôt inquiet de votre état de santé. Vous êtes mort de fatigue, complètement épuisé...

 

Serge, qui avait suivi la conversation sans intervenir, décida de s'interposer à ce moment.

 

-Il lui faudrait beaucoup de repos, Dit l'androïde, Pour que ses ondes cérébrales en soient ainsi affectées, il est évident que son cerveau a perdu une partie de ses capacités et a donc ralenti son activité. Le fait d'essayer de rester alerte aussi longtemps n'a fait qu'ajouter un stress supplémentaire sur le reste de son organisme… Je suggère au moins deux semaines de repos complet, puis on réévaluera.

 

Charles acquiesça avant de s'adresser une fois de plus à Flavien.

 

-Vous avez entendu le robot? Repos complet pour les deux prochaines semaines.

 

-Oui, Capitaine…

 

Charles hocha la tête, satisfait.

 

Flavien se recoucha sur la table d'examen. Il y avait trop de monde dans la Cabine de Repos pour retourner s'y reposer, et de toutes façons, il tombait de fatigue. Il se sentait étrangement en paix, comme si un poids énorme venait de lui être enlevé.

 

Il entendit vaguement le Capitaine s'adresser à Serge en mentionnant qu'ils allaient aller aider les autres à transformer le vaisseau en club med. Il ferma les yeux et sentit le sommeil s'emparer de lui.

 

***

 

Lorsqu'il s'éveilla, Flavien avait l'étrange sensation d'avoir dormi pendant des siècles et en même temps de ne pas avoir dormi du tout. Cela lui prit quelques instants avant de réaliser qu'il se trouvait dans le Centre de Santé et non pas dans son lit.

 

Les événements précédents lui revinrent et il s'assit. L'éclairage du vaisseau était celui de jour. Il regarda sa montre: il n'avait dormi que deux heures…

 

Il fixa encore sa montre un instant. Quelque chose attira son attention. Il s'aperçut avec un sursaut que ce n'était pas la même date: Il n'avait pas dormi deux heures mais bien vingt-six heures!

 

Il se glissa rapidement en bas du lit et se dirigea vers la Salle de Commandement. Même s'il était au repos forcé, il voulait quand même savoir comment les autres se débrouillaient avec le spectre du livreur de pizza, qui refusait de quitter le vaisseau.

 

Alors qu'il entrait d'un pas décidé dans la Salle de Commandement, il s'arrêta net, ébahi.

 

Une lumière chaude et intense l'accueillit, provenant de grosses lampes installées au plafond. Au milieu de la pièce se trouvait une piscine hors terre remplie à ras bord et sur l'eau flottait une grosse licorne pneumatique à la crinière arc-en-ciel avec un Bob en maillot de bain, sirotant un verre coloré.

 

À côté de la piscine se trouvait un genre de bar tiki improvisé où Pétrolia, dans son très sexy petit bikini, servait un genre de liqueur bleutée à Brad, qui lui était en bermudas et portait un grand chapeau de paille. À côté d'eux se trouvait une grande table avec une nappe en feuillage exotique, avec buffet de style potluck, regorgeant de sculptures en fruits et de diverses viandes grillées.

 

Valence était étendu sur une des grandes chaises de parterre jaunes, en maillot de bain avec d'énormes lunettes fumées et un verre à la main. À côté d'elle se trouvaient le Capitaine, Serge et Livio, tous les trois en grande discussion, assis tout près du barbecue. Sur les murs, des petites lumières de patio avaient été posées et de faux palmiers surplombaient les bacs à fleurs qui avaient été déposés ça et là.

 

Le Capitaine l'aperçut et lui fit signe de la main.

 

-Ah Flavien! J'espère que vous avez bien dormi!

 

L'opérateur radar, toujours ébahi, le rejoint en regardant tout autours de lui.

 

-Wow… vous avez mis le paquet!

 

Le Capitaine sourit jusqu'aux oreilles.

 

-Eh oui! Tant qu'à prendre des vacances, aussi bien en prendre des vraies.

 

Il lui fit signe de s'approcher encore.

 

-Vous avez rencontré Livio, Continua le Capitaine, mais pendant que vous dormiez, nous avons pris plus amplement connaissance. C'est un spectre fantastique, il a beaucoup de vécu… enfin, beaucoup de choses à raconter.

 

Serge s'interposa avec une expression joviale.

 

-Hey Flavien, Dit-il avec enthousiasme, Livio nous a raconté tout ce qu'il a fait quand il était encore vivant! Il a fait du surf sur tous les océans de la Terre pis ya escaladé le mont Huygens sur la lune...

 

Il lui saisit le bras et son sourire s'élargit encore plus.

 

-Il a même fait l'équipe école du Canadien!!

 

-Hein!!! Fit Flavien, sidéré.

 

-Il est vraiment extraordinaire, Fit Pétrolia qui s'avançait vers eux.

 

Elle s'adressa à Flavien.

 

-Tu dois avoir faim, Dit-elle avec un sourire.

 

D'une main, elle lui offrit une assiette remplie de divers aliments du buffet, et de l'autre, elle lui tendit un verre de "slush" rosée contenant des fruits exotiques et une paille verte. Le technicien rougit et tenta de ne pas trop fixer le tout petit bikini de la jeune fille. Il prit son assiette et son verre et inspira le liquide rose dans la paille.

 

-C'est bon, Dit-il avant de reprendre une autre gorgée, C'est quoi?

 

-Un cocktail que j'ai inventé, le Flaming Flamant.

 

-Ah? Comment ça ça s'appelle comme ç-

 

Son dernier mot fut interrompu par un bruit étranglé qui provenait de sa gorge. La sensation intense de flammes dans le fond de sa bouche l'empêcha de terminer sa phrase et il toussota quelques secondes, les yeux dans l'eau.

 

-C'est parce que c'est de la liqueur de habanero avec du jus de mangue, Expliqua Pétrolia avec enthousiasme, Et j'ai aussi mis du jus d'orange et de la limonade. C'est bon hein?

 

Flavien hocha la tête, encore rouge et larmoyant.

 

-Ou...oui oui…

 

Charles, qui avait suivi le dialogue entre les deux plus jeunes membres de son équipage, donna une petite tape dans le dos de son technicien radar et lui offrit sa bouteille de bière d'épinette. Le jeune homme en pris une généreuse gorgée et Charles rit dans sa barbe.

 

-Serge et moi, on va aller faire une couple de hamburgers sur le barbecue pour la gang, en voulez-vous?

 

Flavien acquiesça et entreprit une discussion avec Livio. Il voulait tout savoir de son séjour avec l'équipe école du Canadien.

À suivre

Partie 4

 

Livio aimait beaucoup l'équipage du Romano Fafard. Ils étaient tous très sympathiques, à l'exception du grand maigrichon qu'ils appelaient Brad. Celui-ci, après être passé par dessus sa frayeur des spectres, l'avait approché pour savoir combien gagnait un joueur d'une équipe école de la LNH. Livio avait eu la désagréable impression que ce n'était pas par intérêt pour la carrière, mais bien parce que le scientifique était attiré par les gens fortunés. Malheureusement pour lui, un joueur d'un club-école dans la LAH, ça ne gagnait pas grand chose en terme de salaire. Après avoir appris cette nouvelle, le scientifique l'avait pratiquement ignoré et l'avait traité avec le même mépris que le reste de l'équipage. Cela n'importait pas vraiment au livreur de pizza, qui ne le trouvait pas très intéressant de toutes façons.

 

Livio avait par contre beaucoup d'affinités avec le Capitaine et Serge, avec qui il passait la majorité de son temps.

 

Le Capitaine était un homme de carrière, qui avait comme les autres étudié à l'Académie Spatiale, mais qui avait poursuivi ses études une année de plus pour pouvoir poursuivre dans le leadership et le commandement de missions. Il avait servi sur plusieurs vaisseaux et avait éventuellement réussi à prendre les commandes d'un vaisseau de la Fédération Planétaire. Il avait finalement été choisi pour mener la mission la plus importante de l'histoire de l'humanité, trouver une planète habitable pour déménager la population terrienne. Livio ne pouvait qu'être impressionné et lui demandait souvent de raconter ses anecdotes, autant celles sur la Terre que celles dans l'espace.

 

Serge lui, en plus d'être un androïde, avait été bâti de toutes pièces par la jeune fille, Pétrolia, et n'avait vécu que dans l'espace. Il avait passé la première partie de son existence sur une station orbitale, où il avait bravé plusieurs dangers, dont un trou vert pâle et une bombe nucléaire envoyée par une espèce extra-terrestre hostile. La bravoure et la dévotion de Serge le rendait attachant, mais son humour et sa personnalité amicale en faisait un être presque humain.

 

Pétrolia semblait gentille, mais comme la plupart des filles de son âge, elle semblait être attirée à son physique et il avait l'impression qu'à chaque fois qu'elle venait lui parler, elle bavait presque à chacune de ses paroles. Il lui souriait poliment, mais sans plus. Il savait qu'elle était très intelligente et qu'elle aurait eu autant d'histoires fantastiques à raconter que Serge, mais c'était comme si à chaque fois qu'elle lui parlait, elle redevenait une adolescente de 15 ans amoureuse d'un chanteur d'un boys band.

 

Avec Valence par contre, il avait eu l'occasion d'avoir une conversation intéressante. Elle avait étudié longuement afin de devenir psychologue et avait aussi un historique d'études avec l'Académie Spatiale. Elle avait une personnalité très extravertie et n'hésitait pas à donner ses opinions sur divers sujets, dont plusieurs étaient très intellectuels. Par contre, elle voulait profiter au maximum de ses vacances et passait le plus clair de son temps à se faire bronzer sur une chaise longue, donc il ne lui avait pas autant parlé que les autres.

 

Il y avait aussi Bob, le pilote, qui avait monté la garde au début de leur rencontre. C'était lui qui avait eu l'idée de commander à la pizzeria et c'était grâce à lui que Livio avait fait ces merveilleuses rencontres. Il était le meilleur ami de Flavien, qu'il avait rencontré dans la Salle des Machines mais qui était plutôt absent des festivités. Bob lui avait brièvement expliqué que son ami était très fatigué et qu'il ne fallait pas le déranger. Le pilote avait semblé un peu triste que son ami ne soit pas plus présent, mais lorsqu'il avait aperçu l'énorme buffet sur la table décorée avec des couleurs estivales, il s'était précipité pour se prendre quelques assiettes bien garnies.

 

Livio l'aimait bien. C'était un bon soldat, un pilote extraordinaire d'après ce qu'il avait entendu, mais un peu niais. Il était cependant un peu sportif, ayant joué au water-polo et au football, alors le livreur aimait bien discuter avec lui lorsqu'il n'était pas au buffet ou à la piscine (ce qui arrivait rarement).

 

Le pilote venait justement vers lui, se prendre une bouteille dans la glacière qui était à ses pieds.

 

-Pis mon Bob, Dit Livio, Mon idée de club med, c'est pas pire hein finalement?

 

Bob fit un grand sourire.

 

-Mets-en! On a jamais eu un aussi grand buffet depuis que j'suis à bord.

 

Livio rigola doucement.

 

-C'est un beau buffet, Confirma-t-il, Et les décorations sont vraiment extraordinaires. Je suis vraiment content de pouvoir passer de si belles vacances.

 

-Le Capitaine est vraiment gentil de nous avoir laissé organiser ça, Ajouta le pilote, Il peut être rigide des fois, mais il veut toujours qu'on se sente à la maison ici, sur le vaisseau.

 

Livio regarda en direction de Charles.

 

-Il semble être un bon Capitaine.

 

Bob acquiesça. Ils avaient de la chance.

 

Il prit une des bouteilles dans la glacière et l'ouvrit.

 

-Au Capitaine et à notre semaine de vacances! Santé!

 

Livio leva son verre et sourit.

 

-Santé!

 

***

 

Ce que Brad avait espéré, une fois sa phobie du spectre passée, c'était que celui-ci lui soit utile ou bien, au minimum, tolérable. Mais Livio n'était ni riche, ni au pouvoir d'une quelconque organisation et il n'avait même pas d'influence remarquable. Ce n'était qu'un sportif raté, selon Brad, et en plus il ne travaillait que comme livreur. Quel minable!

 

Brad se dit que la seule bonne chose qu'il avait apporté, c'était d'avoir su convaincre le Capitaine de leur donner des vacances. Ne pas avoir à chercher des excuses pour ne pas travailler, ça faisait du bien. Parfois les stratagèmes qui visaient à convaincre les autres membres de l'équipage que ses empêchements étaient légitimes pesaient lourd sur les épaules du scientifique. Il méritait pleinement ce petit congé au bord de la piscine.

 

D'ailleurs, il avait dû aller s'y saucer: Les lampes thermales accrochées au plafond étaient vraiment puissantes et il avait commencé à avoir chaud, ce qui était très mauvais pour sa pauvre peau sensible. Cela faisait maintenant une bonne vingtaine de minutes qu'il pataugeait, flotteurs sur les bras (il ne fallait pas prendre de chances!). Il fit un dernier plongeon puis il se hissa sur l'échelle afin de sortir prendre sa serviette et se diriger vers la douche.

 

***

 

Pétrolia passait beaucoup de temps à regarder Livio. En plus d'être très sexy, elle le trouvait très intéressant. Elle avait appris qu'il avait toujours été livreur de pizza, la compagnie appartenant à son père. Parfois, il avait travaillé à temps plein, afin de se payer ses nombreux voyages de surf et d'escalade entre autres. À d'autres moments, il avait seulement travaillé à temps partiel, lorsqu'il jouait au hockey par exemple.

 

Elle le trouvait fascinant, mais lui ne semblait pas la trouver particulièrement de son goût… et c'était bien correct avec la jeune fille. Livio avait tellement fait de choses pendant dans sa vie et après celle-ci que Pétrolia le trouvait un peu intimidant. Il était plus vieux qu'elle et il avait tellement de vécu qu'elle se demandait comment elle pourrait même se mesurer à lui. Comment pourraient-ils avoir des points en commun alors qu'elle avait toujours vécu seule avec ses parents puis avec Serge, et enfin avec l'équipage, alors que lui avait eu l'occasion de faire tant de choses et de connaître tant de gens?

 

Elle préférait donc rester au petit bar tiki et l'observer de loin. De toutes façons, Elle était contente d'expérimenter avec les divers sortes de boissons. Elle avait l'impression de pouvoir inventer toutes sortes de nouveaux mélanges, et le Capitaine ne lui reprochait pas ses inventions pour une fois. Il se contentait de les essayer avec précaution, mais il préférait sa bière d'épinettes.

 

Le Capitaine avait informé son équipage au début de la semaine que Flavien était au repos complet pour des raisons médicales. Il n'avait pas révélé plus d'information et son expression avait laissé deviner qu'il ne voulait pas d'intrusion sur la vie privée de son technicien. Personne ne l'avait questionné.

 

Il était vrai que l'opérateur radar dormait beaucoup. Il dormait de longues nuits et se levait bien des heures après tout le monde. Il faisait aussi beaucoup de siestes: Parfois dans la piscine, sur un matelas pneumatique, avec une main ou un pied traînant dans l'eau, ou parfois comme en ce moment, étendu en maillot de bain sur une des chaises longues, tout près du palapa.

 

Pétrolia s'inquiétait beaucoup pour lui, même s'il semblait prendre du mieux. L'image du jeune homme s'écroulant sur le plancher de la Salle de Repos n'avait pas quitté ses pensées.

 

Elle s'agenouilla près de la forme endormie du jeune homme et l'observa un instant. Il n'était peut-être pas aussi athlétique que Livio, mais elle le trouvait lui aussi très sexy (surtout en maillot de bain). Il avait un certain charme qui la faisait fondre intérieurement. Elle aurait tellement voulu pouvoir sortir avec lui, mais elle ne savait pas comment lui faire dire oui. Elle n'avait pratiquement pas d'expérience en amour, ayant grandi loin de tout et isolée de la civilisation humaine. Depuis qu'elle avait été recueillie par l'équipage du Romano Fafard, les premiers autres terriens qu'elle avait rencontré, elle n'était pas sortie avec aucun d'entre eux, même si elle n'avait pas caché son intérêt envers le technicien radar. Celui-ci semblait ne pas s'apercevoir de ses avances ou bien il était trop poli pour refuser celles-ci directement.

 

Elle allongea le bras et prit la bouteille de crème solaire à côté de la chaise. Elle en mis une généreuse portion dans sa main et en appliqua sur les jambes, puis les bras du jeune homme. Celui-ci demeura immobile, toujours endormi. Elle reprit de la crème solaire et en appliqua sur son torse, frottant les muscles qu'elle avait toujours voulu sentir sous sa main. Elle sentait sa respiration lente et régulière sous celle-ci. Alors qu'elle allait descendre vers le ventre, une voix la fit sursauter.

 

-Qu'est-ce que tu fais? Demanda Valence, baissant ses lunettes pour l'observer.

 

Elle était allongée sur la chaise longue voisine, appuyée sur un coude, un sourire peint sur ses lèvres.

 

Pétrolia prit un air gêné.

 

-Euhm… j'lui mettait juste d'la crème solaire… pour pas qu'y pogne un coup de soleil, tsé.

 

Valence acquiesça, souriant encore.

 

-Hmm humm, Fit-elle d'un ton taquin.

 

La psychologue se leva et s'éloigna, traversant la totalité de la Salle de Commandement, se dirigeant vers l'endroit où se trouvait Charles. Celui-ci était assis sur une chaise en rotin, à côté d'un des faux palmiers. Il lisait un livre, Macbeth, un des nombreux classiques issus de sa bibliothèque personnelle.

 

-C'est pas un peu dramatique comme lecture de vacances, Demanda Valence en s'approchant.

 

Charles leva les yeux de son livre.

 

-Ça me détend, Dit-il avec un sourire.

 

Vence prit place sur la chaise libre a côté de lui.

 

-Contente que tu prennes un peu de temps pour toi, Dit-elle sincèrement, On avait tous besoin de vacances.

 

-Oui, Acquiesça Charles, Merci pour cette merveilleuse idée.

 

-Il y en a qui en avait plus besoin que d'autres…, Fit Valence d'un ton qui se voulait à la fois interrogatif et plein de suppositions.

 

Elle n'aimait pas quand Charles la laissait dans l'ombre. En dehors de Serge, il n'avait dit à personne ce qui était arrivé à Flavien. Elle savait qu'il y avait quelque chose de plus qu'un malaise physique. En tant que psychologue du vaisseau, elle savait observer les signes et elle avait appris à connaître les membres d'équipage. Ceux-ci étaient plus que de simples patients, elle les connaissait par coeur, comme sa propre famille. Elle savait quand l'un d'eux n'était pas dans son état normal, elle le percevait immédiatement… Et Flavien n'avait pas été dans son état normal depuis au moins une semaine, sinon plus. Elle se sentait responsable et elle se devait de découvrir ce qui s'était passé, même s'il semblait aller mieux.

 

Elle observa Charles, qui répondit après quelques secondes.

 

-Je te promets que je te mettrai au courant dès que notre semaine de vacances sera finie. Je peux t'assurer que j'ai eu une conversation avec lui, qu'il prend du mieux, et qu'il viendra te voir après s'être reposé suffisamment.

 

Valence considéra ce que le Capitaine venait de lui dire. Elle hocha la tête lentement. Charles tenait toujours parole, et s'il l'assurait que cela pouvait attendre, elle lui faisait confiance.

 

Elle décida de changer de sujet.

 

-Je trouve ça presque dommage que Livio ne puisse pas rester plus longtemps.

 

Charles acquiesça.

 

-Oui, mais en même temps, nous avons une mission à mener… et lui doit prendre la relève à l'entreprise de son père.

 

La psychologue se demandait si ça marchait vraiment, une pizzeria gérée par des spectres. Est-ce que la clientèle était vraiment là? Est-ce que la majorité de leurs clients étaient vivants, ou d'autres spectres semblables à eux? Tant de questions, mais Valence n'osait pas aborder le sujet avec Livio, de peur que la réponse ne concorde pas avec son idée de ce qu'était la vie après la mort… Dans le fond, elle préférait ne pas le savoir. Elle aimait mieux s'occuper des vivants, particulièrement ceux qu'elle aimait, mais aussi ceux qui avaient besoin de son aide. Et certains vivants avaient particulièrement besoin qu'on soigne leurs âmes.

 

-As-tu vu Brad? Demanda-t-elle.

 

Le Capitaine replongea son regard dans son livre.

 

-Il est partie prendre une douche, Répondit-il, Paraîtrait que le chlore de la piscine dessèche sa peau s'il ne se rince pas immédiatement après s'être baigné.

 

Valence s'installa confortablement dans sa chaise en rotin (aussi confortable qu'on puisse y être en tout cas). Pour une fois, Brad ne semblait pas faire une névrose, une crise de phobie ou tout autre trouble psychologique relié à ses nombreux traumatismes antécédents. Peut-être pourrait-elle réellement prendre une pleine semaine de vacances. Un p'tit congé de Brad, ça ferait du bien.

 

***

 

Pétrolia finissait d'appliquer de la crème solaire sur le visage de Flavien. Elle frotta doucement ses joues puis laissa sa main reposer sur l'une de celles-ci. Elle aurait pu l'embrasser s'il n'y avait pas eu un battement de paupières et un regard sombre qui rencontra le sien.

 

-Pétrolia…? Souffla-t-il avec un sourire, encore endormi, Qu'est-ce que tu fais?

 

La jeune fille rougit mais n'enleva pas sa main.

 

-J'te mets de la crème solaire.

 

Le jeune homme hocha légèrement la tête. Il se sentait bien. Il avait encore dormi pendant plusieurs heures, mais il ne se sentait plus épuisé lorsqu'il se réveillait. Il se sentait plus frais et dispo et il espérait que bientôt, il pourrait reprendre un horaire normal.

 

Serge s'approcha d'eux, un verre à la main.

 

-Une p'tite drink, mon Flavien?

 

Flavien s'assit sur le bord de sa chaise et accepta le verre, d'une belle couleur orangée. Si c'était Serge qui l'avait concocté, il avait moins peur d'avoir la gorge en feu ou de vouloir avaler un gallon d'eau par la suite.

 

-Merci.

 

Il en prit une grande gorgée.

 

-C'est un Racing Zamboni.

 

-Ah ouan? C'est pas mal bon.

 

Pétrolia se pencha vers lui et lui sourit.

 

-Je vais te mettre un peu de crème solaire dans le dos, L'informa-t-elle.

 

Elle se mit à la tâche. Flavien souffla un "merci" et reprit une gorgée de son verre.

 

-Pis Serge, Demanda-t-il au robot, Comment tu trouves ça des vacances au soleil?

-Oh moi, j'ai pas besoin de vacances mais c'est bien le fun de passer du temps entre amis plutôt que de travailler… sauf qu'il faut que je boive du WD-40 plus souvent à cause de la chaleur…

 

Le technicien acquiesça, certain que pour l'androïde, ce devait être l'équivalent de boire de l'eau pour un humain.

 

-Pis j'ai tu manqué de quoi pendant que j'dormais?

 

-Pas grand chose… J'ai filmé Brad qui a pris une débarque tantôt en glissant sur une flaque d'eau laissée par Bob, mais y s'est même pas fait mal...

 

-Ah…

 

Flavie soupira, déçu. Ça aurait pu être drôle.

 

-J'ai fini avec la crème, Annonça Pétrolia avec un grand sourire.

 

Flavien se sentit rougir lorsqu'il s'aperçut que la jeune fille lui avait mis de la crème solaire jusqu'au rebord de son maillot de bain. Il ne dit rien, mais il sentait la chaleur monter sur ses joues.

 

Serge s'aperçut de ce changement de pigmentation sur le visage de l'opérateur radar. Il savait que le jeune homme avait des sentiments pour sa créatrice, mais qu'il n'en faisait rien, par respect pour son amitié avec le pilote. Le robot était programmé pour défendre et protéger Pétrolia, mais Flavien était un être honorable. L'androïde ne craignait pas qu'il ne lui fasse du mal. En fait, il était plus inquiet que Pétrolia et Flavien ne se fassent du mal à eux-mêmes en ne s'avouant pas leurs attirances mutuelles. Par contre, Serge n'intervenait pas. Il devait laisser les humains comprendre leurs propres émotions, qui étaient beaucoup plus erratiques que les siennes, il devait se l'avouer.

 

Lorsqu'elle eut fini de ranger le tube de crème solaire et de s'essuyer les mains, Pétrolia s'adressa à Flavien.

 

-Ça te tente tu d'aller faire des vagues dans la piscine?

 

L'opérateur radar fit un signe positif.

 

-Oui, mais il faut que Bob se joigne à nous, Dit-il en se levant, C'est lui le meilleur pour faire des vagues dans une piscine.

 

***

 

La semaine tirait à sa fin. L'équipage se sentait reposé et avait complètement décroché de la mission pendant ces vacances bien méritées.

 

Livio avait fait connaître ses intentions de retourner livrer des pizzas dans l'entreprise familiale dès le lendemain matin. Il devait partir bientôt, car la route était longue. Bien que soulagés qu'il n'avait pas décidé de rester à bord à perpétuité, tous étaient un peu déçus de le voir partir si vite. Ils auraient aussi voulu prolonger leurs vacances tropicales un peu plus longtemps.

 

Malheureusement, le Capitaine avait dû leur rappeler que la mission devait reprendre son cours, et qu'il leur fallait faire des préparatifs avant d'atteindre leur prochaine destination, la Galaxie du Bichon Frisé.

 

Tous réunis à la Salle de Commandement, l'équipage faisait leurs adieux à Livio, qui avait été récupéré son chariot et son manteau de livreur avant de partir.

 

-On va s'ennuyer en tout cas, Dit Valence, ça faisait longtemps qu'on avait pas eu du fun de même.

 

-C'est vrai ça, ajouta Pétrolia, On a vraiment passé une belle semaine.

 

Bob s'avança.

 

-Heille on pourra tu te rappeler pour d'autres pizzas?

 

Livio sourit. Lui aussi était triste qu'il ait à quitter le vaisseau. Il avait passé de très beaux moments avec ses nouveaux amis.

 

-J'aimerais ça Bob, mais dans quelques galaxies d'ici, c'est la limite de notre territoire de livraison.

 

Tout le monde prit un air triste à cette nouvelle. Le spectre s'en aperçut et rajouta:

 

-Mais on peut toujours garder contact par courriel si vous voulez. Pis si jamais vous repasser par ici, contactez notre pizzeria, je ferai la livraison personnellement.

 

Le groupe sourit et lui souhaita un bon retour. Livio leur fit un signe de la main, et juste comme ça, il disparut dans un éclat de lumière et il ne resta plus que quelques petites étincelles bleutées à l'endroit où il s'était trouvé.

 

Les membres d'équipage fixèrent l'endroit ppour quelques instants, puis le Capitaine prit parole.

 

-Bon! On doit ramasser tout ça et se préparer à notre approche de la Galaxie du Bichon Frisé. Bob, Flavien, videz et démontez la piscine. Pétrolia et Valence, rangez le décor et les chaises. Serge et Brad, les tables, le buffet et le bar. Ensuite, Brad et Bob vous pourrez aller en regénérescence alors que les autres, on préparera les sonde d'exploration.

 

-Capitaine, Fit Flavien avec un air pensif, Pensez-vous qu'on va trouver des planètes à explorer dans la Galaxie du Bichon Frisé?

 

-Jamais je ne croirai qu'on aura un mal de chien à y trouver des planètes intéressantes, Répondit le Capitaine avec un sourire.

 

Il se mit à rire.

 

-La pognez-vous? Un mal de chien… la Galaxie du Bichon Frisé…

 

Il y eut quelques sourcils levés et des regards fuyants. On aurait pu entendre une mouche voler.

 

-Oui, euh bon… au travail.

 

Fin... et en route pour Rintintinos!